ARGENTINE/Vers Puerto Deseado

Publié le par voilierdune.over-blog.com

Janvier 2013
Après trois jours de vent soutenu mais pas tempétueux, les conditions s’améliorent. Un vendredi matin (une première !), nous quittons enfin la caleta Horno pour parcourir les 160 miles qui nous séparent de Puerto Deseado. La navigation sera laborieuse en raison du faible vent et de la houle contraire laissée par la dernière dépression. La présence de dauphins de Commerson égaillera cette traversée du golfe San Jorge. Ces petits dauphins sont peu farouches et leur « couleur » noir et blanc permet de bien les observer, même de nuit.

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Les fabuleux petits dauphins de Commerson

Comme nous le craignions, nous arrivons de nuit à l’entrée du canal d’accès de Puerto Deseado. Heureusement, la marée est montante mais elle génère un important courant (5 nœuds), favorable, mais qui rend le bateau peu manœuvrant et surtout l’empêche de s’arrêter rapidement en cas de haut-fond. La carte indique que l’entrée dans le canal se fait selon un premier alignement (deux lumières qui doivent se superposer verticalement), laissant place à un second alignement à mi-parcours. Malheureusement, les lumières de la ville nous empêchent de bien distinguer ces marques et nous décidons d’entrer sans visibilité, avec la seule aide de la carte et du GPS. Installée à l’intérieur, je reporte chaque minute notre position sur la carte et communique à Hervé les corrections à apporter au cap. José scrute la pénombre et tente d’avoir une vue d’ensemble. Une première alerte est donnée lorsqu’Hervé me signale (ou pltôt hurle) que nous venons de frôler des rochers alors qu’aucun danger n’est signalé la carte. La vitesse augmente et nous sommes entraînés à folle vitesse (plus de 7 noeuds) dans le canal. Soudain, Hervé inverse la vapeur en mettant un puissant coup de marche arrière au moteur. Le fond est brusquement remonté de 18 à 3 mètres. José s’accroche aux filières pour amortir le choc qui, heureusement, n’arrivera pas. Hervé parvient à maintenir le bateau en stationnaire, moteur à fond en marche arrière, le temps de retrouver nos esprits et la bonne route à suivre. La carte indique que notre position est correcte et je suis incapable de donner la direction à suivre pour sortir de ce mauvais pas : je ne sais pas où nous sommes, ni où est le chemin sécurisé.


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De l’autre côté du canal (vue de jour), les restes de la première maison historique  de Puerto Deseado construite à la fin du XIXe siècle


Nous resterons bloqués plus de vingt minutes dans le chenal, sans oser bouger, Hervé hésitant à rebrousser chemin pour regagner la haute mer. Selon le contact radio avec la Perfectura, nous devrions pointer droit sur la lumière rouge que nous distinguons au loin, la balise Magellan. Hervé ne veut pas lâcher la position, mais il faudra bien se décider à bouger, au risque de se planter. Finalement, il remet le bateau en route et nous fonçons sur la balise. Miracle, la profondeur augmente à nouveau et nous regagnons enfin le chenal d’entrée. Toujours guidé par la Prefectura par VHF, nous manquons de peu le quai et le remorqueur « Yamana » auquel nous devons nous amarrer. Un puissant « a la derrecha !  » retentit dans le haut-parleur, nous tournons à droite sans réflechir et nous apercevons enfin ledit bateau. Avec l’aide de Jorge, le matelot du remorqueur, nous accostons en douceur. Le bateau est rapidement amarré et la pression retombe. Ouf, nous avons échappé de peu à la catastrophe!!! Incrédule, je ne comprends pas ce qui s’est passé jusqu’au moment où je fais un nouveau point qui nous positionne maintenant au milieu de la ville. Il y a un problème avec la carte mais elle ne peut pas être fausse. Finalement, Hervé découvre que le système GPS de la carte n’est pas le même que celui utilisé par notre GPS, cette différence entraînant un décalage de la position d’une cinquantaine de mètres vers le sud. Quelle leçon ! ! !

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Le charme discret de Deseado, avec ces petites maisons en tôle ondulée aux couleurs vives

Remis de nos émotions, nous passons la journée du lendemain à faire les démarches administratives à la Prefectura. Il s’agit d’un contrôle de routine à effectuer à l’arrivée et au départ de n’importe quel port argentin. Plusieurs formulaires doivent être complétés, les papiers du bateau ainsi que les passeports sont vérifiés. Depuis notre départ de Quequen, et même bien avant, une épée de Damoclès pèse sur la tête d’Hervé qui est clandestin en Argentine depuis plusieurs mois. En effet, sa dernière sortie du pays date de juillet 2012, lorsqu’il est venu me rendre visite à Buenos Aires. Un aller-retour en Uruguay lui avait permis de prolonger son séjour jusqu’en septembre 2012. Son visa est maintenant échu depuis quatre mois.
Dix jours auparavant lors de notre départ, la surprise avait été grande lorsque le responsable de l’immigration de Quequen avait constaté que le visa d’Hervé était valable neuf mois et que tout était en règle. Nous avions bien rigolé et pensé naïvement qu’il était plus simple pour ce fonctionnaire de voir les choses ainsi plutôt que d’établir un procès-verbal et tout le tracas de paperasse qui s’ensuit. Mais nous savons que le pot aux roses finira bien par être découvert et qu’il faudra payer les 50 euros d’amende. Mais à nouveau, le fonctionnaire ne bronche pas et notre entrée à Puerto Deseado est validée sans aucun souci. Nous sommes une fois de plus passés entre les gouttes mais nous savons que nous n’y échapperons pas à Ushuaia où le contrôle sera certainement plus sévère. Mais peu importe, là-bas la frontière chilienne est toute proche et nous sortirons rapidement d’Argentine. Bien installés autour d’un apéro, nous nous félicitons de notre bonne fortune tout en jetant un coup d’œil sur le passeport incriminé. Et là, surprise ! Sur le visa en question, il est bien mentionné une validité de neuf mois, et non pas de 90 jours comme habituellement. C’est à ne rien y comprendre et, à l’heure actuelle, nous ne comprenons toujours pas en quel honneur Hervé a bénéficié d’un tel statut. Le résultat demeure : Hervé n’est plus et n’a jamais été clandestin.

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Le bistrot favori de ces messieurs où la bière est tirée à même la table

Publié dans janvier 2013

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