ARGENTINE/Détroit de Le Maire et canal de Beagle

Publié le par voilierdune.over-blog.com

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Février 2013
Le 5 février à 8h à l’étale de haute mer de Puerto Deseado, l’ancre est relevée sans mauvaise surprise et nous sommes prêt à affronter une des navigations les plus difficiles de notre voyage. D’abord, il s’agit de sortir du canal avec plus d’élégance que dix jours auparavant, lorsque nous avons embouqué. Mais la véritable difficulté réside dans les 500 prochains miles (pas loin de 1000km) qu’il faudra parcourir en l’absence d’une météo fiable, mais surtout sans aucun abri où se cacher en cas de mauvais temps. Dans ces régions où les dépressions sont légions, c’est un tour de force que d’espérer passer entre les gouttes. Mais nous avons l’espoir d’être épargnés car la situation est annoncée comme anticyclonique (= beau temps) durant une bonne semaine. Dans la pratique, nous ferons beaucoup de moteur en raison du faible vent et nous aurons souvent du courant contraire avec parfois le vent dans le nez. Tranquillement, nous entrons dans les cinquantièmes hurlants et nous poursuivons notre navigation vers l’embouchure du détroit de Magellan. Là, nous essuyons quelques orages bien chargés en électricité et un même petit coup de vent d’ouest restant sans conséquences. La descente vers le sud se poursuit le long des côtes de la Terre de Feu jusqu’au détroit de Le Maire. Un premier abri nous y attend, juste avant le passage de ce difficile détroit où, paradoxalement, il vaut mieux lutter contre le courant et le vent plutôt que de profiter des faveurs de l’un ou de l’autre. En effet, un fort vent opposé au courant peut générer de très dangereux tourbillons et des mauvaises vagues.

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Le redouté détroit de Le Maire qui sépare l’île des Etats (à gauche) de la Terre de Feu

Nous luttons toute la nuit pour arriver à l’heure de la haute mer à l’entrée du fameux détroit. A 5h du matin, tout semble être perdu lorsque je termine mon quart après avoir lutter contre le courant et parcouru à peine 6 miles en trois heures, soit une vitesse de 2 nœuds. Plus de 25 miles nous séparent encore de l’entrée du détroit alors que la renverse vient d’avoir lieu et que le courant devient favorable durant seulement six heures. Pour compléter le tableau, le baromètre commence à baisser.
A 10h, Hervé me réveille en sursaut me disant que nous sommes engagés dans le détroit et que je dois venir effectuer la navigation, à savoir le suivi de notre position sur la carte. Un coup d’œil au GPS confirme ses dires : notre vitesse de fond atteint déjà 8 nœuds alors que notre vitesse à la voile est à peine de 2 nœuds. Heureusement, le vent est favorable mais le baromètre continue à chuter. Le coup est risqué car il nous reste à peine deux heures pour parcourir les 20 miles du détroit. De toute façon, il est trop tard pour faire marche arrière car le courant nous expulse vers l’océan pacifique sud. Durant plus d’une heure et demie, nous marcherons à une vitesse oscillant entre 10 et 11.5 nœuds. A midi, l’heure de la renverse s’annonce par la présence des premières vagues « pyramidales », de véritables murs qui sont les prémisses de la violente inversion du courant qui s’opère en quelques dizaines de minutes et qui repart de plus belle dans le sens inverse. Immédiatement, nous nous dégageons du canal et pointons vers la Bahia « Buen Suceso » au charmant nom. Nous nous attendons à voir baisser drastiquement notre vitesse, qui n’est déjà plus que de 5 nœuds, et à lutter pour atteindre le rivage. Rien de tel ne se produit et nous continuons paisiblement notre route.
Houra ! ! ! Nous avons passé le fameux détroit de Le Maire, mais au chausse-pied. Durant plusieurs heures, je contemple encore ce détroit qui disparaît dans la brume, n’en revenant toujours pas de notre « exploit »: que d’émotions ! ! !

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Passage du cap Buen Sucesso

Alors que le baromètre dégringole carrément, j’harcèle par radio VHF tous les cargos de passage afin d’obtenir des bulletins météo. Les infos qui sont toujours données avec bonne volonté ne sont que rarement valides. Le temps se couvre mais heureusement, le vent fait toujours défaut : nous pouvons donc foncer en ligne droite sur le canal de Beagle.
Durant la nuit, de nombreux dauphins nous accompagnent leur sillage formant une traînée phosphorescente, c’est magique. La côte sud de la Terre de Feu abrite une multitude d’oiseaux marins, certains gigantesques dont l’envergure dépasse deux mètres. S’agit-il d’albatros ?

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Le lundi 11 février à 5h du matin, nous embouquons le canal de Beagle

Après une semaine de navigation et pas mal de stress, c’est féerique d’enter dans ce canal et de se retrouver entourés de montagnes enneigées. Maintenant, le baromètre peut chuter tant qu’il veut, nous avons des solutions de replis en cas de mauvais temps. Une caleta est en particulier desservie par des bus et des taxis depuis Ushuaia : le changement d’équipage pourra s’y effectuer facilement si besoin.

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Le paysage montagneux du canal de Beagle

Quelques heures plus tard, le passage MacKinley nous amène à la hauteur de Puerto Williams sur la côte chilienne. En fin d’après-midi, nous arrivons enfin à Ushuaia, cette escale ardemment désirée par le capitaine et que j’ai tant redoutée. Sur le ponton, nous retrouvons Eric qui est arrivé la veille après un petit périple en Argentine qui l’a mené de Buenos Aires au Perrito Moreno puis à El Chalten. Les retrouvailles au bout du monde sont euphoriques, le champagne coule à flot, l’équipage est fier de son périple, d’autant plus que l’ambiance et la navigation sont toujours restées au beau fixe. José peut être fier de sa performance, lui qui a parcouru son pays du nord au sud par voie océanique, de Montevideo à Ushuaia. La soirée se poursuit au resto sous l’impulsion d’Eric qui nous emmène déguster les célèbres « centolla », ces araignées de mer dont la chair est, dit-on, plus fine que celle du homard : un régal !

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Comité d’accueil : les pingouins de Magellan

Publié dans février 2013

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